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Les Francos : plus que de la bamboche ?

  • Photo du rédacteur: lespandasroux
    lespandasroux
  • 20 juil.
  • 8 min de lecture

Du 10 au 14 juillet se tenait le Festival des Francofolies à La Rochelle. Après l’interview de sa co-directrice sur la dimension éco-responsable du festival il y a deux ans et un micro-trottoir des festivalier·es l’année dernière, nous nous sommes arrêtés cette année sur les conférences citoyennes organisées en partenariat avec la Fondation La Rochelle Université et co-animées par Paloma Moritz et Cyril Dion.


Salomé Saqué entourée de l'artiste Voyou, Cyril Dion, Paloma Moritz et Stéphane Horel lors la première journée des "Conférences citoyennes", le 10 juillet à l'école DOR
Salomé Saqué entourée de l'artiste Voyou, Cyril Dion, Paloma Moritz et Stéphane Horel lors la première journée des "Conférences citoyennes", le 10 juillet à l'école DOR

Résistance. Du 10 au 13 juillet, une centaine de curieuses et curieux se sont réunis tous les jours de 13h à 14h, dans l’écrin de la cour bétonnée et (heureusement) ombragée par trois tilleuls majestueux de l’école Dor, au 24 rue St Jean du Pérot, où se sont tenues quatre conférences citoyennes de haut vol. Animées par le duo Paloma Moritz, journaliste pour le média Blast et Cyril Dion, auteur et réalisateur, elles avaient un objectif : mettre l’esprit critique, les sciences et la démocratie à l’honneur. Et un fil rouge : la résistance.



Un parcours initiatique


Nous avons participé aux quatre conférences et plusieurs éléments nous ont frappé. D’abord, ce fil rouge de « résistance », qui nous a paru terriblement d’actualité. Puis les thèmes et leur ordre de traitement qui y étaient associés : « L’information en résistance », « Sciences et santé en résistance », « Démocratie et résistance » et « Résistance citoyenne ». Un panorama rapide mais assez complet qui permet de nourrir une bonne compréhension de la situation (écologique, sociale, économique, politique, géopolitique…) que nous vivons. Et de se donner collectivement du souffle pour y faire face. Et quelques armes… ;-)



Des intervenant·es de haute volée


Chaque jour, ce sont trois invité·es qui répondaient aux questions simples mais pertinentes de Paloma Moritz et Cyril Dion : deux expert·es dans leur domaine et un·e artiste. Ces derniers jouant toujours deux morceaux de leur répertoire en version instrument-voix… poésie et de frissons garantis. Pensée spéciale à la chanteuse Solann qui a chanté L’oiseau et Rome créant un véritable moment suspendu.


On vous remet ci-dessous la programmation et les sujets traités dans les grandes lignes.



Jeudi 10 juillet


Les invité·es : Salomé Saqué (journaliste et autrice),  Stéphane Horel (journaliste d’investigation au Monde) et Voyou (chanteur)


La question de ce que devrait être l’information, des fake news et de la post-vérité ont été abordées, tout comme les différentes formes de journalisme qu’il existe et la (non ?) représentativité des journalistes dans les médias de masse (TV, radio).



Vendredi 11 juillet : Sciences et santé en résistance


Les invité·es : Hélène Peltier (chercheuse à l’Observatoire Pelagis de La Rochelle Université), Camille Etienne (écologiste) et Solann (chanteuse, compositrice)


La remise en cause de la science et la marginalisation des scientifiques, parfois qualifié·es de militant·es pour disqualifier leurs travaux, par les pouvoirs politiques dans des pays dits démocratiques (comme les États-Unis ou la France) ainsi que la pression des lobbys privés sur les élu·es ont été au cœur des échanges. On a par exemple appris qu’un·e élu·e français·e voyait 9 lobbyistes qui défendent des intérêts privés pour un lobbyiste défendant l’intérêt général (association, ONG…). Et où Camille Étienne nous a dévoilé sa stratégie du sous-marin pour (tenter de) contrer les lobbyistes comme ce fut le cas, victorieux, pour la loi d’interdiction des polluants éternels (PFAS) en France. Ou, moins victorieux (en tout cas à date) pour la loi Duplomb.


On s’arrête un instant sur cette loi Duplomb car à l’instant où nous publions, une pétition déposée sur le site de l’Assemblée national visant à l’interdire a dépassé les 500 000 signatures citoyennes nécessaires pour qu’elle soit de nouveau débattue à l’Assemblée. Le million de signatures est tout proche… une première dans l’histoire de la V République !

Pour faire partie du mouvement collectif et signer, c’est ICI !

L’année dernière, dans notre article sur les Francos, nous avions relayé l’appel Free Paul Watson. Et quelques mois plus tard, il était libéré. Coïncidence ?



Samedi 12 juillet : Démocratie en résistance 


Les invité·es : Mathilde Imer (écologiste, co-initiatrice de la Convention citoyenne pour le climat et de la Primaire citoyenne de la gauche de 2022), Alice Mazeaud (chercheuse en sciences politiques au laboratoire LIENSs de La Rochelle Université) et Piers Faccini (auteur, compositeur, interprète)


Avons-nous jamais été en démocratie dans des pays comme la France qui le revendiquent pourtant fièrement au point de s’ériger en exemple pour le monde ? La réponse, étayée, est sans appel : non ! Mais la direction a pu être un moment intéressante. Sauf que… depuis quelques années-décennies, la dynamique est clairement sur une pente régressive très inquiétante. Multiplication des 49.3, prééminence des pouvoirs financiers sur les décisions publiques, non respect des votes (référendum sur le traité européen de 2005, élections législatives de 2024…), il est grand temps de se (r)éveiller.



Dimanche 13 juillet : Résistance citoyenne


Les invité·es : Thomas Brail (arboriste-grimpeur, médiatisé ces dernières années pour lutter, depuis les arbres qu’il chérit tant, contre des projets inutiles et destructeurs comme la construction de l’A69), Chloé Gerbier (juriste en droit de l’environnement et fondatrice de Terres de luttes, une association qui recense et aide aux luttes citoyennes contre les projets de bétonnisation des terres : https://terresdeluttes.fr ) et Victor Solf (auteur, compositeur, interprète)


Face aux défis climatiques et environnementaux, de nouvelles formes d’engagement émergent : actions citoyennes, recours juridiques, mobilisation locale… Autant de démarches qui redéfinissent les contours de l’action collective. Comment chacun peut-il s’engager concrètement pour contribuer à une transition juste et durable ? De la ZAD de Notre Dame des Landes (qui a permis d’éviter la construction d’un aéroport inutile) au plateau du Larzac en passant par la résistance électorale en Guyane (projet Montagne d’or) ou les recours juridiques contre le projet de construction de l’autoroute A69 ou encore « la bataille de Sainte-Soline » contre les méga-bassines… la résistance citoyenne s’organise, cherche comment lutter efficacement, tâtonne, se prend les pieds dans le tapis, recommence, affine sa stratégie, au cas par cas… le tout au service du bien commun et de la protection du vivant. Au passage, la pétition pour tenter d'abroger la loi Duplomb est un bel exemple de lutte citoyenne assez simple et pacifique à mettre en place. La question de la violence a par ailleurs beaucoup été abordée (que Les Pandas Roux traiteront dans leur prochain livre).



J’AI LA MÉMOIRE QUI CHANTE…


Dans « les folles rencontres » proposées en marge des concerts, Les Francolofies proposaient, en partenariat avec la Sacem, un format intitulé « J’ai la mémoire qui chante ». Une heure d’entretien en public avec un·e artiste, politique, sportif… pour en savoir plus sur sa vie à travers 5 chansons. Nous avons pu assister à la première avec le secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier.


Elle a ouvert le bal avec Les corons de Pierre Bachelet, qui lui rappellent le bassin minier d’où elle est originaire et où elle vit et même élue. Ainsi que ses premiers émois au Stade Bollaert dont la chanson est l’un des chants de supporters. Puis elle a enchainé avec Ma France à moi de Diam’s, qui lui rappelle « qu’une autre Marine est possible ». Une autre que celle implantée (et pour l’heure plus populaire) sur ses terres, dont les idées ne sont pas franchement les siennes. C’est ensuite SOS d’un terrien en détresse qui a été interprétée. Parce qu’elle adore Balavoine et… le titre est suffisamment évocateur pour qu’on n’ait pas à l’expliciter. La quatrième chanson, on l’a oubliée… Et la cinquième, nous avons dû quitter l’événement avant son terme mais on sait que c’était une chanson de la compagnie créole.


Pour celle et ceux qui voudraient en savoir plus sur les 5 chansons et les petites histoires (assez passionnantes à dire vrai) associées, Marine Tondelier a promis qu’elle en dirait davantage dans sa prochaine newsletter Nouvelles du Front (n’y voyez (vraiment !) pas un stratagème pour vous pousser à vous y inscrire).



Comment résister ?


Lors de la conférence dédiée à la démocratie, nous avons pu poser une question à Alice Mazeaud et à Mathilde Imer. Que voici :


« Alice, tu as dit que résister, c’était mettre du rapport de force partout et tout le temps. On souscrit. Mais comment tu résistes, toi, en tant qu’enseignante-chercheuse en sciences politiques dans une université ? Et toi Mathilde, même question avec une précision : tu as dit que tu avais un peu délaissé les sphères militantes pour aller faire de la construction-bois dans la Drôme où tu travailles plutôt avec une population masculine, un peu machiste et potentiellement raciste, et déconnectée des visions et attentes « bobos », c’est ta manière de résister ? »


Alice nous a répondu qu’elle ne refuse jamais une sollicitation pour intervenir en qualité d’enseignante-chercheuse sur les sujets qui la concernent (NDLR : la démocratie, la démocratie participative, la participation citoyenne, etc.) et qu’elle n’hésite pas à dire des choses qui peuvent paraître désagréables à ses interlocuteur·ices. Pour l’avoir vue à l’œuvre, c’est vrai. Et toujours de manière argumentée.


Quant à Mathilde, elle a insisté sur le fait que son immersion dans l’univers de la construction, elle l’avait fait en humilité, en évitant de se comporter comme la néo-rurale sûre d’elle qui détiendrait la vérité, tapotant sur son Mac en buvant un latté dans le (nouveau) café branché du village tenu par ses congénères en dehors du travail. Elle écoute, essaye de comprendre, fait preuve d’empathie (dans le sens noble et non condescendant du terme) et laisse sa chance au dialogue…

Pas toujours simple mais nous sommes assez en phase avec cette vision chez Les Pandas Roux. Nous croyons que, souvent, les désaccords sont le fruit d’un manque de profondeur dans les échanges et informations partagées. Et que plus on prend le temps de s’écouter pour tenter de se comprendre, plus on a de chance d’être d’accord. Ou, et ça n’est pas si grave, d’être d'accord sur nos désaccords.



"Je ne sais pas si on se reverra" : Julien Doré fait ses "au revoir" au public des Francos
"Je ne sais pas si on se reverra" : Julien Doré fait ses "au revoir" au public des Francos

« Je ne sais pas comment tout ça va finir »


En matière de résistance, les artistes n’ont pas été en reste. Grâce à l’organisation des Francofolies, nous avons pu assister à de nombreux concerts de la grande scène et plusieurs artistes n’ont pas hésité à prendre la parole. Des artistes populaires et dans la place depuis longtemps, comme le groupe IAM, qui répète ses trois mois à chaque concert : amour, santé, paix. Ou encore Julien Doré, qui a fait une arrivée sur scène dont il a le secret et qui à plusieurs reprises nous a dit, sans préciser à quoi il faisait référence (mais on a bien compris) « Je ne sais pas comment tout ça va finir » avant de nous convier à vivre le moment présent, ensemble, et de nous montrer la voie en enflammant les 15 000 spectateur·ices de Saint-Jean d’Acre au rythme de ses tubes poétiques, drôles, dansants et signifiants comme « Nous » ou encore « La fièvre » et son refrain « Le monde a changé, il s’est déplacé quelques vertèbres ». Et puis il y a eu de jeunes artistes comme Solann ou Dinaa (avec deux « a » ;-)) qui a eu le courage d’avoir un mot pour la Palestine en demandant au public, qui l’a bien suivie, de lever le poing en signe de soutien face au génocide en cours. Les artistes ont un grand rôle à jouer dans les temps qui s’ouvrent. Et celles et ceux cité·es sont la preuve qu’ils et elles peuvent nous divertir sans faire diversion. MERCI pour votre courage les ami·es !




Vous avez oublié un « l » au mot « nu »  


Il y a les artistes engagé·es qui disent les choses assez directement et puis il y a ceux qui le sont sans vraiment le dire, à leur manière. Légère. Comme Philippe Katerine. Qui arrive à conjuguer réflexion et drôlerie. On l’a vu débouler sur la scène Jean-Louis Foulquier en Élisabeth II en robe-ballon, sur son tube La reine d’Angleterre « qui nous chie à la raie » (poésie quand, tu nous tiens…). Et puis, cette manière de retourner les pisse-vinaigre dans l'hilarité générale : de sa prestation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 à Paris, il a « recueilli » de nombreux témoignages que l’on pourrait qualifier de désagréables. Plutôt que de s’en offusquer, Philippe en a fait l’introduction d’une de ses dernières chansons, Nu. On pourrait vous les rapporter dans ces lignes (qui commencent à devenir trop nombreuses) mais la magie s’en trouverait dissipée. Alors on vous propose de l’écouter :





L’année dernière, on s’est demandé « Les Francos : finie la bamboche ? » La réponse, pour l’heure, saute aux yeux : on en a plus que jamais besoin. Pas pour nous endormir. Pas pour nous divertir. Mais pour profiter, ici et maintenant. Et se (re)donner de la force pour réfléchir et agir. Viendra peut-être un temps où il faudra se demander si la bamboche peut conserver cette forme qui pose tout de même de nombreuses questions… En attendant, elle est un beau pied à ceux qui tentent de diviser.



« Nous, nous, nous

Nous on s'en fout de vous

Vous pouvez prendre tout

Tant qu'on est tendre nous »


Julien Doré, La fièvre

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