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Mouvement "Bloquons tout !" : quelles doléances ?

  • Photo du rédacteur: lespandasroux
    lespandasroux
  • 2 oct.
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 oct.

Le 10 septembre dernier, Les Pandas Roux se sont rendus à la manifestation

« Bloquons tout ! » de La Rochelle. D’abord en compagnie de salarié·es de l’associatif, pour nous rendre jusqu’au point de rassemblement place de l’Europe à Mireuil, puis au coeur du cortège. Nous avons fait des rencontres fortes, échangé avec une dizaine de personnes et posé cette question qui nous est si chère : quelles sont vos doléances ? 


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Manifestation "Bloquons tout !", tête de cortège avenur Jean Guitton à La Rochelle - © Les Pandas Roux



L’heure qui vient, on vous propose de vivre cette manifestation comme nous l’avons vécue, au coeur des slogans, des chants, des coups de gueule, des rires, des pancartes, des coups de coeur, des revendications, de la joie d’être ensemble et de pouvoir se dire ce qu’on a sur le coeur… et ce qu'on aimerait voir advenir.




La vaisselle de l’Élysée comme déclencheur ?


C’est toujours difficile de discerner ce qui déclenche un mouvement citoyen. Souvent, c’est la hausse des taxes et impôts sur les classes populaires doublée d’un sentiment d’injustice face à cette hausse. Chez Les Pandas Roux (on n’est évidemment pas les seuls), on a le sentiment que le mouvement « Bloquons tout ! » du 10 septembre dernier s’inscrit dans une série de luttes pour plus de justice (fiscale et sociale), plus de démocratie et plus de reconnaissance des « petites gens » qui s’étalent sur des décennies. Dont les dernières sont le mouvement des « Gilets Jaunes » et les grandes manifestations contre la réforme des retraites de 2023 ayant attiré jusqu’à 3,5 millions de personnes dans les rues (selon la CGT ! On fait attention à avoir des sources fiables ! ;-)). Alors, quand le 10 septembre dernier, Roland, éducateur, nous explique que c’est la première fois qu’il manifeste et que ce qui l’a poussé à se mobiliser, c’est le changement de vaisselle de l’Élysée pour un montant de 500 000€ (qui date de 2019 !!!), on est mi-surpris, mi-amusé, mi-conforté (oui, on est du genre à cumuler trois moitiés chez les Pandas).




Jour de doléances


On doit confesser que cette journée, on l’attendait depuis pas mal de temps, avec une idée derrière la tête : aller à la rencontre des gens - tous les gens ! - pour leur poser cette question : quelles sont vos doléances ? Cette question, elle nous paraît centrale car, depuis que nous tendons notre micro à des personnes de tous horizons et que nous nous intéressons à la crise écologique et sociale (et démocratique, et politique, et géopolitique…), on se rend bien compte que les gens ont beaucoup à dire et partager. Et que face aux problèmes qui nous occupent, ils ont même des solutions pertinentes et audacieuses à proposer, dans un esprit de responsabilité. C’est ce qu’a parfaitement démontré l’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat de 2019. Les 150 citoyennes et citoyens volontaires tirés au sort, globalement profanes sur le sujet, ont réussi à se mettre d’accord sur une série de 149 propositions structurantes visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 40% en France d’ici à 2030 par rapport à 1990. Après une montée en compétences grâce à des conférences et échanges avec des expert·es-scientifiques et des débats entre pairs d’une dizaine de mois. On sait - malheureusement - comment ce travail a été balayé d’un revers de main par Emmanuel Macron. Tout comme les quelque 19 000 cahiers de doléances (et 200 000 textes !) des « Gilets Jaunes » écrits début 2019.




DOLÉANCES...


Dans la manifestation, on nous a demandé quelques fois ce qui signifiait "doléances".


Réponse du Larousse :


1. Plaintes ou réclamations, en général adressées par des subordonnés à un supérieur : rrésenter des doléances.


2. Plaintes et vœux adressés au roi et consignés par les trois ordres dans des cahiers (cahiers de doléances) rédigés à l'occasion de la réunion des états généraux.


On recommande aussi chaudement ce documentaire sur les doélances des "Gilets Jaunes" : « Doléances »




Moi [pas] président·e...


Nous avons pu interviewer une dizaines de personnes, d’horizons différents. Et voici, en substance ce qu’ils et elles nous ont confié :


Moi ce que je veux…


« C’est rappeler à ceux qui sont en haut, que leur richesse, ils la doivent à ceux qui sont en bas », Clément


« Que la vie soit équitable. De regarder autour de nous et de se dire, cette personne elle a besoin de ça et moi, j’ai pas besoin de tout ça donc on peut partager », Ajla


« Soyons humains, tout simplement. Essayons de faire attention à ceux qui sont autour de soi », Clarisse


« J’en ai marre des conditions de vie des français, j’en ai marre qu’on se trompe de combat dans les médias », Laura


« Qu’on soit tous solidaires, c’est hyper important. Et arrêter de se dire « ça me concerne pas ! » car le jour où ça nous concerne, on comprend pas pourquoi les autres ils ne bougent pas », Roland


«  Une régulation du capitalisme, voire un retrait complet car c'est ce qui tue les jeunes, les vieux… chaque français est victime du capitalisme physiquement et mentalement, je crois que c’est ce qui fait le plus de dégâts aujourd’hui », Timéo


« On travaille à l’hôpital et le budget, qu’il soit porté par Bayrou, Lecornu ou Macron, peu importe... on est contre ce budget car c’est la criminalisation des patients, la casse de la sécurité sociale, la casse des hôpitaux, et ça on n’en veut pas », Sophie et Caroline


« Moi, ce monde ne me va plus ! Bon, je suis plus près des chrysanthèmes que des fonds baptismaux mais je suis très très inquiet pour la jeunesse parce qu’on leur laisse quelque chose de terrible : la pollution, les cancers, plus de boulot… on a tout saccagé… », François




Puis la colère…


« On en a un peu ras-le-bol de payer pour ce qu’il se passe dans les autres pays alors que nous on galère… on galère pour finir les mois, on galère pour nos enfants parce que le boulot, ça court pas les rues… Je comprends pas qu’on ait un président qui s’en foute complètement », nous confie Stéphane, 54 ans, actuellement en arrêt maladie qui en profite pour venir manifester son ras-le-bol.


Alors on lui a demandé quelles étaient ses doléances ? « Mes doléances ? Qu’on arrête de faire entrer des étrangers en France et qu’on leur donne facilement de l’argent sans qu’ils aient besoin de travailler alors qu’il y a de la misère en France. Moi, je connais des gens qui ont un travail et qui dorment dans leur bagnole, c’est pas normal. Alors que les étrangers qui entrent en France, on leur donne des droits que même les français n’ont pas. »


Spontanément, cette assertion nous titille chez Les Pandas Roux. On sait d’où elle vient. Alors on rebondit : « On est sûr de ça, que les étrangers ont plus de droits que les français ? »


Réponse de Stéphane : « j’ai entendu des trucs, vu sur Internet… Alors c’est des on dit des on dit, je sais pas si tout est vrai… »


Et c’est la que la colère nous prend ! Car on sait que des campagnes sont orchestrées sur les réseaux sociaux et jusque sur certains plateaux TV/radio à longueur de journée pour retourner la colère de gens qui triment contre d’autres gens qui triment. On n’est pas en colère contre Stéphane, on est en colère contre ceux qui attisent les braises, en répétant et amplifiant chaque jour un peu plus une information falsifiée ad nauseam, avec des sujets orientés, des questions biaisées, des raccourcis systématiques, des diversions déguisées en obsessions (comme l’impact économique, social, culturel… des étrangers) alors que le réel indique exactement l’inverse, comme on s’en rend compte en lisant rapports, enquêtes et études sociologiques (on rappelle que les « Oui mais ma voisine… » ça compte moyen dans la recherche de la justesse). Et on est un peu triste que Stéphane préfère y croire… Mais c’est le résultat de la puissance de feu des médias traditionnels… détenus à 90% par des milliardaires qui ne veulent même pas payer 2% de taxe (soit autant que le reste des français·es) qui profitent de la précarité galopante - et sur elle la colère - afin diviser pour mieux régner (et se faire oublier).


On précise (à écouter dans le podcast) que Stépahne est aussi pour plus de solidarité entre les gens et pour la solidarité internationale "quand on le peut", et pour que les riches contribuent davantage.



Le réconfort


Puis on tombe sur Laura, qui nous tient à peu près ce langage : « Je suis là parce que je suis travailleuse sociale avec les migrants, je suis toute seule avec une petite fille et j’en ai marre d’une manière générale des conditions de vie des français. J’en ai marre qu’on se trompe de combat dans les médias, j’en ai marre de ce qu’on écoute… » Pour être francs, on s’est dirigés vers Laura car elle avait un drapeau singulier sur les épaules : « C’est un drapeau palestinien ! Et je le porte aujourd’hui en hommage. Je sais qu’ici on peut représenter plusieurs causes et je pense que ça a sa place ! » Alors on rapporte à Laura les propos de Stéphane qui préfèrerait qu’on aide les français avant les étrangers et on lui demande ce qu’elle en pense : « Ça ne m’étonne pas qu’on ait ce genre de réflexion aujourd’hui vues les idées qui sont véhiculées dans les médias. Mais il faut savoir que la part des cotisations dédiée aux aides sociales c’est environ 5%, que parmi ces aides sociales, il n’y en a que la moitié qui est réclamée, les migrants que j’accompagne ne touchent pas de cotisations de la CAF, ils ne peuvent pas travailler et, souvent, quand il y arrivent, c’est pour faire des jobs ingrats… donc oui je comprends qu’on puisse le penser puisque ces médias véhiculent ce genre d’idées sur Cnews, BFMTV, TF1… » Réconfort…



La honte…


À mi-parcours, nous avons été attirés par une jeune femme, emmitouflée dans son manteau, enveloppant de ses deux bras une petite pancarte en carton fabriquée de bric et de broc sur laquelle était inscrit « LA HONTE ». Alors on s’est approchés et on lui a demandé : la honte ? 


« Ben oui ! », nous a répondu, posément mais sûrement, Camille. « Parce que la France, c’est une démocratie de base et là c’est en train de partir complètement en couille. On nous retire tous nos droits, tout ce qu’on a gagné grâce aux gens qui se sont battus. Donc ouais, c’est la honte ! C’est la honte » répète--t-elle. Camille nous explique qu’en tant que sushiwoman, elle « gagne correctement [s]a vie » (plus de 1500€ nous dit-elle) mais qu’elle n’y arrive plus, qu’elle n’arrive même plus à s’acheter de la viande, qu’elle n’arrive pas « à mettre de côté ». Qu’elle a peur de ne pas pouvoir assurer l’avenir de sa fille… Au point de vouloir quitter la France pour l’Espagne. La seule chose qui l’en retienne, explique-t-elle, « c’est qu’en France, il y a encore la sécurité sociale. Et même on est en train de se la faire sucrer ». Précieuse sécu car à cause de sa maladie chronique, sans ce filet de sécurité mis en place par le Conseil National de la Résistance après-guerre, Camille passerait tout son salaire dans les honoraires des spécialistes et les traitements nous confie-t-elle… La honte.


Si Camille l’écrit discrètement sur un petit bout de carton en osant à peine l’oraliser, nous l’écrivons-crions cette honte : la HONTE !!!

La honte pour celles et ceux qui ont trop et continuent d'accumuler sans partager, pendant que des gens comme Camille qui ne doit pas gagner beaucoup plus que 1 500€ par mois s’estiment chanceux et correctement payés… Franchement, on vous questionne calmement, sans grandiloquence ni lyrisme : est-ce qu’on se rend bien compte de la patience, du calme et de la dignité d’une grande partie des gens ?



L’espoir ?


Pour être honnêtes, l’espoir est une émotion qui ne nous mobilise par trop chez les Pandas. En revanche, la détermination, le fait de revendiquer, d’échanger, de dessiner des alternatives ensemble, en nous mettant d’accord sur nos désaccords s’il le faut, ça… ça nous met en joie. Ce 10 septembre, il y a un endroit, en dehors de la manifestation, qui l’a permis. Tout l’après-midi, dans le parc Charruyer, rassemblée autour d’un Tivoli, une centaine de personnes (régulièrement renouvelée) discute : c’est l’agora ! Un lieu fait pour échanger ses impressions, déverser sa colère, faire des rencontres, prendre la parole pour raconter ses envies, sa vision pour la suite… Puis à 19h30, le temps de l’Aseemblée Générale. Une première pour nous (en dehors de la fac).


Ce qu’on y a vu était assez fascinant. D’organisation, de respect, de bienveillance, de solidarité, d’intelligence. Avec les copains de Matahari (la nourriture en caravane bio, locale et végétale) qui ont nourri gratuitement les (r)assemblé·es. Avec des pôles organisés, comme le pôle juridique qui a interrompu l’AG pour demander si volontaires il y avait afin d’organiser des rotations devant le commissariat dans le cas où les deux gardés à vue du jour (vite relâchés car embarqués sans raison) sortent et ne se retrouvent pas seuls…


Une assemblée assez bigarrée, avec des gens politisés, partisans et apartisans, des associatifs, des gens des luttes écologiques, des badauds, des (faussement ?) résignés, des pleins d’espoir, d’autres simplement en recherche de chaleur humaine… C’était beau ! Une manière évidente de ponctuer cette journée et d’entrevoir un futur (en)viable ? À suivre…


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