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Ocean Peak : la mer pour (re)donner un cap à des jeunes en difficulté ?

  • Photo du rédacteur: lespandasroux
    lespandasroux
  • il y a 2 jours
  • 9 min de lecture

L’association Ocean Peak se sert de la mer et de la montagne pour accompagner la réinsertion de jeunes en difficulté de l’Aide Sociale à l’Enfance en les embarquant dans des séjours de rupture en mer, sans destination précise, sans escale et sans portable… Et le résultat est incroyable… Pas incroyable genre c’est à peine croyable façon Louis Sarkozy. Non, incroyable de beauté. Du genre qui redonne foi en l’humanité et envie de sauter à pieds joints dans la vie. Le mieux, c’est encore que vous jugiez vous-même en écoutant Marta et Brice, membres de l’association, que nous avons rencontrés en juin dernier à quelques jours d’une navigation avec 3 jeunes.


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© Ocean Peak



Souvent, quand on entend parler de l’ASE, l’Aide Sociale à l’Enfance, c’est à la télé. Quand un drame s’est produit. Ou qu’un rapport accablant sur le manque de moyens et/ou les violences systémiques qui règnent dans l’institution est projeté sur le devant de la scène. Dont les conclusions et plans d’action, majoritairement partagés, sont rarement suivis d’effet. Le sujet devenant même un marronnier, laissant imperceptiblement (et vicieusement) dans les esprits que… « bah, c’est terrible… mais les choses sont comme ça, on n’y peut rien… ! ». Hé bien aujourd’hui, on vous parle d’une association qui fait sa part, comme elle peut, à son échelle pour ne pas laisser cette jeunesse en errance. Et elle nous communique une énergie de dingue, comme vous l’écouterez dans le podcast ci-après.

À travers cette association, c’est le travail de nombreuses personnes dévouées, des éducateur·ices aux familles d’accueil en passant par tout le personnel de la chaîne de l’aide sociale à l’enfance, que nous souhaitons saluer.






Séjour de rupture : s’échapper pour mieux se (re)trouver ?


Ocean Peak est née en 2019 à La Rochelle, de l’idée de sa directrice Marta Guemes, qui après deux années consacrées à la préparation d’une transatlantique à la voile (et le succès de cette aventure personnelle), avait envie de s’ouvrir un peu aux autres, sans oublier sa passion. L’idée d’organiser des séjours de rupture(s) mer/montagne pour des jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance parfois en grandes difficultés a alors germé : « À l’adolescence, ces jeunes de l’ASE, qui peuvent passer par la PJJ [NDLR : Protection Judiciaire de la Jeunesse] ont parfois besoin de prendre l’air, de s’extraire de leur quotidien difficile, de (re)trouver confiance en eux » explique Marta. C’est comme ça que sont nés les « séjours de rupture » en mer et à la montagne. Des séjours de 14 jours où 3 à 4 jeunes sont embarqués sur un voilier sans destination précise, sans escale et sans portable. Accompagnés par des bénévoles qui ne les connaissent pas et qui ne sont pas rémunérés pour les encadrer. « Ça a son importance que les bénévoles ne soient pas payés et qu’on ait tous choisi d’être là pour partager un bon moment ensemble. C’est valorisant pour les jeunes qui ont plutôt l’habitude d’être encadrés par des gens payés pour ça », précise Marta.




14 jours sans escale et… sans portable


Au-delà de s’extraire d’un environnement et d’un quotidien pesants, l’objectif des séjours de rupture est de vivre en mer avec tout ce que cela signifie : travail en équipe, valorisation de soi, de son travail… Et, au fil des manoeuvres et des quarts (qui sont des moments d’intimité qui font beaucoup de bien aux jeunes), les relations se nouent, la confiance se crée, l’estime de soi et de son travail (re)vient. C’est tout l’enjeu de ces séjours au cours desquels des objectifs éducatifs sur la valorisation de son travail et de soi sont travaillés avec les jeunes qui sont d’ordinaire confrontés à l’échec et pas forcément valorisés dans leurs réussites.



« Le portable peut rapporter

beaucoup de mauvaises nouvelles »



Quand Brice Pottier, responsable de projet au sein de l’association et expert des sujets de santé mentale, nous explique que ces séjours se font sans portable… on n’en revient pas : « Lutter contre l’addiction aux écrans pour poser les yeux sur le paysage, c’est une chose sur laquelle Ocean Peak travaille depuis longtemps. C’est prouver scientifiquement que la lumière de la mer, la lumière de l’océan, favorise une santé mentale positive ! » Une lumière bleue, deux ambiances… Mais les jeunes, ils en disent quoi ? D’après Brice, passé le « manque de la tétine », ils oublient assez vite leur portable, occupés par la navigation qui demande de la concentration et de nombreuses manoeuvres. Et Marta de compléter : « le portable peut rapporter beaucoup de mauvaises nouvelles pour des jeunes qui peuvent vivre un quotidien difficile ». C’est ce qu’a révélé une expérience « avec » portable (même si l’utilisation était très encadrée) : « toutes les choses négatives pour lesquelles tu es parti·e en séjour reviennent via le portable alors que c’est justement le moment où tu étais venu·e te ressourcer et ne pas être envahi·e par ces choses négatives. » Tiens, l’absence de portable comme une libération de l’esprit ? Chez Les Pandas Roux, on se sent visés et on souscrit !




Partir sans destination, une histoire de confiance ?


Il y a un truc qui nous titille dans cette histoire, au-delà de l’absence de portable, c’est le fait que les jeunes embarquent pendant 14 jours, dans un espace confiné, sans connaitre personne et sans avoir de destination précise… « Pas de destination, avec des navigations de nuit, parfois 48h d’affilée… Ça c’est quelque chose qui m’épate, la confiance qu’ils nous donnent à ce moment-là alors que ce sont des jeunes abîmés. Ils montent à bord et c’est un enchaînement de découvertes, des découvertes qui sont plaisantes. Ils se laissent porter et ils retrouvent leur place d’enfant », nous éclaire Marta. Un peu de légèreté retrouvée contrairement à leur quotidien où ils doivent gérer des tâches qui, normalement, ne devrait pas leur incomber.



« Besoin de quitter leur environnement

pour partir à l’aventure »



« Même en tant qu’adulte, partir en séjour dans ces conditions, c’est vraiment sortir de sa zone de confort, c’est une aventure », complète Brice. « C’est ça que je suis venu chercher, c’est une aventure. Et c’est aussi pourquoi, je pense, les jeunes partent avec nous sans avoir de réel objectif… mais avec une idée, une couleur, une sensation, un besoin de quitter leur environnement pour partir à l’aventure. Et là ça prend tout son sens. Et très vite, hisser la grand voile, faire des manoeuvres, ils y sont prêts. Et ils se lâchent et on peut les pousser un peu hors de leur zone de confort ».




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© Ocean Peak



S'accorder !


Quand on dit que les séjours n’ont pas de destination, c’est pas tout à fait juste. L’équipage a un cap : il vise la Bretagne ! Là où il y a des îles « car sur une île, le risque de fugue est atténué et parce que ce sont des endroits merveilleux. Quand on passe par l’île d’Yeu, Belle-île, l’archipel de Glénan, c’est magique ». Et cette jeunesse a aussi (et surtout !) droit au beau. Par ailleurs, atteindre ces endroits de rêve, ça se mérite ! Ça demande des efforts : « Passer le raz de Sein par exemple, entre la Pointe du Raz et l’île de Sein, c’est difficile car c’est un endroit avec beaucoup de courant, beaucoup de passage, des conditions pas simples… et beaucoup de marins s’arrêtent avant ce passage ! Alors on en joue avec les jeunes : ça fait de nous des aventuriers. Et une fois accosté sur la terre ferme, la partie escalade prend le relai. C’est là que la notion de cordée prend tout son sens, raconte Brice : « Cette notion de cordée est incroyable ! Je me souviens d’une ascension avec un jeune avec qui on était en conflit au moment de nous lancer, à cause de la fatigue de la traversée, du confinement… je lui dis « On attaque l’escalade, là, il faut que tu m’assures ! ». Et d’un seul coup, la relation avec le jeune change car, du fait de l’escalade et du lien de cordée, on est obligé de se faire confiance, de s’accorder », glisse Brice avec un petit clin d’oeil pour nous donner toute la saveur du double sens du mot « s’accorder ».





Les jeunes et l’ASE en quelques chiffres...



Au 31 décembre 2023, 384 900 mineurs et jeunes majeurs bénéficient au total de 396 900 mesures d'ASE. Des chiffres en hausse d’année en année.


Selon une enquête France Stratégie de septembre 2024, les jeunes passés par l’ASE présentent plus que les autres des "parcours heurtés" par des redoublements et des périodes de déscolarisation :

> 40% ont redoublé à l’école primaire (une proportion 2,5 fois plus élevée que celle de l’ensemble des jeunes du même âge nés en France) ;

> 21% ont redoublé au collège (un niveau similaire à celui des enfants d’origine très modeste) ;

> 24% ont été déscolarisés au moins une fois pendant deux mois ou plus.

> seuls 12% des sondés possèdent un baccalauréat général ou un diplôme de l’enseignement supérieur.


Encore plus injuste : 25 % des personnes sans domicile fixe sont issues directement de l'ASE (d’où l’importance d’aider ces jeunes !)





Changer de regard sur la jeunesse en difficulté


Ces morceaux de récit, plus vivaces dans le podcast, nous montrent que quand on crée les conditions d’un environnement sain et bienveillant, ces jeunes qu’on ne regardent plus (ou simplement pour les juger) sont capables de beaucoup. Et du meilleur ! Ça implique de faire confiance, de laisser sa chance. Ça, Marta l’a bien compris : « On ne communique pas le dossier des jeunes à l’équipage bénévole qui embarque car quand les jeunes montent à bord, ils sont quelqu’un de différent. Et ce qu’on observe des jeunes sur le bateau, on le retranscrit dans leur dossier et leurs éducateurs nous disent « je le découvre, j’ai l’impression que c’est quelqu’un de différent » ». Et Marta d’insister : « Le regard de la société, c’est un vrai poids pour ces jeunes. J’ai en tête un des premiers séjours de rupture Ocean Peak où je me baladais en ville avec un jeune pour préparer le séjour et je sentais le regard sur ce jeune : il n’a pas les bons mots, la bonne tenue, la bonne attitude… c’est terrible ce qu’ils se prennent. Car ce qu’il faut se dire c’est que tel jeune, s’il est comme ça à 13 ans, c’est qu’il n’a pas eu de chance, qu’il n’a pas été entouré des bonnes personnes… À la fin de cette journée, j’ai eu envie de partir en croisade pour éduquer les gens par rapport à ce regard ».

On ne saurait dire mieux. D’ailleurs, on laisse la parole à Kheiron, qui dans son très beau film « Mauvaises herbes », a écrit cette réplique déclamée par le personnage de l’éducateur joué par André Dussolier : « N’oubliez jamais qu’un enfant qui cause des problèmes, c’est un enfant qui a des problèmes ».




Le creux de « l’Ocean Peak blues »… puis « Nouvelle vague » !


Ces séjours sont des moments riches, forts, intenses, un peu hors du temps et du tumulte. Le retour peut alors être compliqué : « Pendant 14 jours, on se découvre, on s’expérimente. Les jeunes comme les adultes d’ailleurs. Et le retour à terre, il est très dur car on se retrouve tous un peu seul. C’est difficile de partager avec les gens ce qui s’est passé en mer », explique Brice. Pour éviter le blues post-séjour, le programme « Nouvelle vague » est né. Il s’agit d’un accompagnement qui peut durer plusieurs années : « Ça s’appelle « Nouvelle vague » car il y a la notion de mouvement, d’élan… C’est composé d’ateliers individuels, d’autres sorties en mer… L’objectif, c’est vraiment de maintenir le lien et d’aller creuser certains sujets avec les jeunes quand il y en a besoin », se félicite Marta. « On propose des activités toujours en lien avec la mer, le monde maritime. On a des jeunes aujourd’hui qui sont moniteurs de voile alors qu’ils sortaient de la PPJ, on a d’autres jeunes qui sont en service civique. Et globalement, les jeunes sont toujours en lien avec Ocean Peak, même cinq ans après un séjour », conclut-elle. Être une association ouverte pour que les jeunes trouvent un point d’ancrage quand ils en ont besoin et la politique de la main tendue, c’est ça l’esprit Ocean Peak… qui multiplie les projets en ce sens.



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© Ocean Peak




« Vocation mer » : tremplin vers l’emploi ?


Ce nouveau dispositif d’Ocean Peak s’adresse à des jeunes partis en séjour mais aussi à des jeunes adultes qui sont dans une démarche de professionnalisation, comme les jeunes de la mission locale. Il vise à leur faire découvrir des métiers de la mer et du maritime : « Je viens d’embarquer sept jeunes durant sept jours qui ont découvert l’ostréiculture, la mytiliculture, les marais salants, la corderie royale, la voilerie, la charpenterie marine, la criée, etc. Et il y a une autre dimension importante dans ces découvertes, qui est ancrée dans les valeurs d’Ocean Peak, c’est la dimension écologique, à travers la préservation de nos Pertuis charentais par exemple », explique Brice. Au-delà de la découverte, « Vocation mer » permet aux jeunes de travailler leur projet professionnel et de faire des rencontres avec des professionnels qui ont du mal à recruter dans leur filière. Cela débouche parfois sur des jobs d’été pour se découvrir mutuellement et, dans certains cas, sur des emplois durables. Bref, très expérimental mais avec des résultats tangibles. Évidemment, ces jeunes font partie de la (grande et belle) communauté Ocean Peak et accompagnent les nouvelles vagues de jeunes qui transitent par l’association. Ocean Peak ou comment surfer les difficultés pour en faire un océan d’opportunités. Grâce à l’engagement et la bienveillances des personnes qui font vivre cette asso coup de coeur !





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