En mai dernier, nous avons suivi André Guyot toute une journée. Cet expert des arbres, membre de l’association « Arbres remarquables », nous a initiés aux histoires et aux super-pouvoirs des arbres lors d’un tour à la rencontre de quelques spécimens remarquables présents sur le territoire rochelais.
« C’est quoi un arbre remarquable ? C’est un arbre qui a une forme, une essence ou une histoire particulière. Mais ça peut être aussi être le coup de coeur, comme l’arbre du grand-père », explique André. À ce compte-là, tous les arbres peuvent être « remarquables ». Et c’est tant mieux ! Pour être labellisé « Arbre remarquable » par l’association éponyme qui fête ses 30 ans cette année, il faut quand même qu’il y ait une originalité. C’est le cas du chêne chevelu de Marsilly, l’un des derniers « Arbres de la liberté » encore debout, du chêne vert du Casino, vraisemblable plus vieil arbre de La Rochelle ou du dernier orme de la belle et rebelle, auprès desquels André nous a conté pléthore d’histoires passionnantes à retrouver dans la vidéo ci-dessus.
Les arbres en quelques chiffres...
3000 milliards, c'est le nombre d’arbres sur terre
64 000 espèces d’arbres sont connues dans le monde. Il en resterait 9 000 à découvrir.
5000 ans, c’est à peu près l’âge du plus vieil arbre - toujours debout - du monde
116 mètres, c’est la hauteur d’un séquoia à feuilles d’if, le plus haut du monde
3x30x300 : c'est la règle censée améliorer notre bien-être selon une étude scientifique menée à Barcelone. Il nous faudrait voir au moins 3 arbres depuis notre logement, vivre dans un quartier ayant une couverture arborée de 30 % et être à 300 mètres maximum d'un parc ou d'une forêt.
« Pando », 80 000 ans et 6 000 tonnes
Saviez-vous que les arbres étaient apparus plusieurs fois au cours de l’évolution ?
Les premiers dateraient d’il y a 380-385 millions d’années. Archaeopteris ressemblait, d’après les scientifiques, à des fougères avec un tronc de conifère dont la hauteur pouvait atteindre 40 mètres et formait de vastes forêts. Il n’existe plus de nos jours. La plus vieille famille d’arbres dont on retrouve toujours trace aujourd’hui, les Ginkgoaceae, est représentée par l’arbre « aux quarante écus », endémique de Chine et aux propriétés singulières (à retrouver dans la vidéo) : le Ginkgo biloba.
Le plus vieil arbre du monde toujours sur pied se trouverait, lui, du côté des Rocheuses en Californie. C’est un pin de Bristlecone nommé « Mathusalem » qui aurait 4 900 ans. À moins que ce ne soit « Gran Abuelo », un cyprès du Mexique du parc national Alerce Milenario au Chili, qui lui dispute ce titre avec ses 5 400 ans ? Difficile à dire car les méthodes de datation sont plus ou moins fiables et précises. Une chose est sûre, que ce soit l’un ou l’autre, c’est énorme par rapport à l’espérance de vie d’un humain… mais peu de choses par rapport à « Pando », la colonie de 47 000 peupliers-faux trembles qui serait l’organisme vivant le plus lourd et le plus vieux connu sur la planète. Pando, dont le nom latin signifie « je m’étends » en latin, est en fait un seul et même arbre relié par son réseau racinaire. Il est âgé de 80 000 ans et sa masse avoisine les 6 000 tonnes. Aujourd’hui, Pando est vieillissant. Ses vielles pousse approchent de la mort et ses jeunes pousses sont victimes des herbivores, qui ne sont plus chassés par les prédateurs tels que le loup et le cougar, lui-même chassé par l’Homme…
De gauche à droite : Mathusalem, Gran Abuelo, Pando - © Wiki Commons
Wood Wide Web : les sous-sols hyperconnectés ?
Puisqu’on cause « racines », c’est à elles que les arbres doivent la majorité de leurs super-pouvoirs.
André prend la famille des hêtres en exemple qui, via leur système racinaire, peuvent se prévenir d’un danger. Un hêtre dont les feuilles seraient broutées envoie des impulsions électriques se déplaçant à la vitesse d’un centimètre par seconde à ses congénères qui sécrètent du tanin rendant leurs feuilles amères donc moins désirables pour les insectes et autres brouteurs (comme les cervidés). Mais il y a mieux. En Nouvelle-Zélande, un Kauri coupé dont la souche n’a pas été déracinée a pu survivre grâce à l’aide de ses congénères, qui lui ont envoyé eau et minéraux nécessaires. Coup de pouce pas anodin puisqu’en retour, en période de forte chaleur, la souche, non soumise aux pertes d’eau par les feuilles, fournit à ses voisins de quoi résister à la sécheresse. C’est pas beau l’entraide ?
Plus largement, le sous-sol forestier abrite une gigantesque toile de racines d’arbres, arbustes, plantes et mycorhizes (symbiose entre champignons et racines de plantes) qui s’entrelacent et permettent une communication inter-espèces… que certains appellent Wood Wide Web et dont on est loin d’avoir tout compris. Ce ne sont là que quelques super-pouvoirs des arbres également doués de proprioception et de capacités d’adaptation et de régénération incroyables. On aurait du mal à croître une fois étêté, nous, non ? Pourtant, le chêne vert du casino de La Rochelle y parvient… (voir vidéo plus haut). On enjambe au passage le fait qu’ils sont puits de carbone, refuges de biodiversité, qu’ils nous offrent gîte, pitance et fraîcheur en période de forte chaleur… en plus de leur simple présence, source d’émerveillement, de repos et d’inspiration.
L'anecdote...
Dans la longue et lente marche de l’évolution, l’Homme a été façonné par sa vie dans les arbres, qui furent son premier habitat. C’est dans les arbres que l’Homme est passé en station verticale. C’est de nos vies dans les arbres que nous tirons la majorité de nos attributs physiques : nos mains sont faites pour attraper les branches, nos yeux regardent vers l’avant du fait de notre évolution dans les arbres, notre appareil digestif est fait pour digérer la nourriture des arbres, etc.
L’Arbre de la liberté
Allez une dernière histoire d’arbre pour la route. Planté à Marsilly en 1792 sur la place de l’église, l’Arbre de la Liberté, un merveilleux chêne chevelu toujours debout fait partie du club très fermé des "arbres remarquables" de France (environ 350 dans toute la France). Son histoire ? Pour célébrer la Révolution de 1789 et ses conquêtes, les communes furent invitées à planter des « Arbres de la Liberté ». Chênes, peupliers, ormes... selon l'Abbé Grégoire, ce sont environ 60 000 arbres qui furent plantés lors de grandes fêtes populaires en des lieux symboliques, majoritairement en 1792, année de naissance de la Première République. Anecdote qui ne manque pas de sève : Louis XVI lui-même aurait présidé une plantation à Paris... Malheureusement, les résurgences de la royauté et de l’empire (et probablement quelques tempêtes et champignons) eurent raison de bon nombre d’entre eux. Il n'en subsisterait aujourd'hui que quelques uns. Dont ce superbe chêne chevelu de Marsilly.
Et vous, quelle est l’histoire d’arbre que vous aimeriez partager ?
Objectifs de développement durable en lien :
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