Pendant un an, l’association La Fresque du Climat mène une expérimentation visant à offrir 2 jours de congés supplémentaires à ses salarié·es qui s’engagent à voyager en transports doux. Intrigués, nous avons échangé avec Margaux et François qui ont testé ce dispositif. Podcast en fin d’article.
Conscient·e que prendre l’avion, ça a un coût pour le climat, vous êtes potentiellement d’accord pour user de transports doux pour partir en vacances. Problème, voyager en transports bas carbone, ça coûte plus cher et, en plus, ça prend - beaucoup - plus de temps. Vrai ! C’est pourquoi des salarié·es ont proposé à leur direction le dispositif Temps de Trajet Responsable (TTR). Qui se traduit par l’octroi de quatre demi-journées de congés supplémentaires à qui s’engage à voyager bas carbone. Cette expérimentation lancée en 2023 par l’entreprise Ubiq a été mise en place dans d’autres structures. C’est le cas de la Fresque du Climat, qui l’expérimente de mars 2024 à mars 2025, dont nous avons pu interviewer deux salarié·es ayant testé le dispositif.
C’est pas plus compliqué que de demander
La Fresque du Climat, c’est une association qui vise à sensibiliser tous types de publics à la question du réchauffement climatique (origines, conséquences, solutions…) lors d’ateliers participatifs d’une durée du trois heures. Présente dans 162 pays et disponible en 45 langues, elle regroupe une communauté de 86 000 bénévoles et compte environ 1,9 millions de participant·es à date. Pour faire vivre cet outil et animer la communauté, l’association s’appuie sur les talents d’une cinquantaine de salarié·es qui, au moment de négocier des jours de congés spéciaux avec la direction en début d’année et après avoir vu passer l’idée sur les Internet se sont dit « tiens, et si on incarnait notre raison d’être en faisant bénéficier les salarié·es qui décident de prendre le train plutôt que l’avion de jours de congés supplémentaires ? ». Astucieux, le CSE (Comité social et économique, instance qui représente le personnel) a suggéré cette avancée sociale et écologique sous la forme d’expérimentation d’une année. Que la direction a bien évidemment accepté. Mais imagine-t-on un monde où la Fresque du Climat ne s’engage pas concrètement sur ces sujets ?!
Les chiffres de la Fresque du climat
1,9 millions de personnes ont participé
86 000 bénévoles
Présente dans 162 pays dans 45 langues
36 jours pris par 25 salarié·es
Six mois après le lancement de l’expérimentation, 25 salarié·es ont pris le train en marche (enfin pas toujours le train mais c’est pour le jeu de mot) et 36 jours de Temps de Trajet Responsable ont été posés soit environ 1,5 par personne. Tout le monde est concerné par la mesure (CDI, CDD, contrats d’alternance, stagiaires…) qui ne coûte que quelques centaines d’euros par salarié·e à l’entreprise et qui semble très apprécié par les salarié·es qui semblent davantage s’investir pour une entreprise que leur offre cet avantage. Avantage qui en plus se justifie. Comme vous le voyez dans l’histogramme réalisé par Carbone 4 ci-dessous, les transports représentent la part la plus importante de l’empreinte carbone moyenne d’un·e français·e. Et dans cette catégorie, tous les transports ne se valent pas. À titre de comparaison, l’avion émet en moyenne 260g de CO2 eq. par personne et par kilomètre contre 160g par kilomètre pour la voiture (à diviser par le nombre de passager·es) et 1,7g par kilomètre et par personne pour le TGV et 5,3g pour l’Intercité.
Quels moyens de transports inclus ?
D’abord, seuls les trajets de plus de quatre heures sont éligibles au TTR. L’idée était en effet d’inclure les trajets les plus utilisés en avion comme le Toulouse-Paris en France, ville reliée par le train en 4h30 au mieux, 6-7h en moyenne. Ensuite, sur les moyens de transport, le choix est large : train, bus, voiliers… tout ce qui dénote une envie de voyager moins carbonée est possible. Et si la question d’inclure le ferry s’est posée, ce moyen de transport assez carboné (60g par kilomètre et par personne en moyenne) a été retenu car il est quand même 4 à 5 fois moins carboné que l’avion et il répond à la seconde raison d’être des congés TTR : « encourager de nouveaux imaginaires autour du voyage ». Les voyages à vélo ou à pied sont également inclus : sur sept jours de voyage, une journée est comptée comme congé TTR. Et au sein de la Fresque du Climat, tout ça fonctionne à la confiance. Les salarié·es posent leurs jours de congés TTR comme leurs jours de congés classiques et on ne leur demande pas de justificatifs… Cerise sur le gâteau, des ressources sont mises à disposition pour que les salarié·es puissent choisir leurs moyens de transport en connaissance de cause, comme les calculateurs d’empreinte carbone de Bon Pote.
Du stop jusqu’à Berlin et du voilier jusqu’en Corse
Margaux et François ont testé le dispositif. Margaux a posé un jour de TTR pour se rendre en Corse en voilier, la traversée entre l’île de Beauté et le continent à la seule force du vent prenant 24h, et François s’est rendu jusqu’à Berlin en stop avant d’en revenir par le bus. Certain·es de leurs collègues ont posé une demi-journée pour aller en train dans le sud de la France comme à Nice et d’autres ont épuisé leur stock pour un voyage en train au nord de la Norvège ou pour se rendre à un mariage au Maroc en train + ferry. Autant dire que la partie « encourager de nouveaux imaginaires autour du voyage » a été reçu 5/5. Encore une fois, rien d’étonnant au sein d’une structure comme la Fresque du Climat. Mais quand même, c’est bien de constater que les cordonniers sont bien chaussés. Les salarié·es de la Fresque réfléchissent d’ailleurs à la meilleure manière de partager ces expériences de voyage pour donner des idées de destination et d’organisation alternatifs. Et si le trajet faisait pleinement partie du voyage ?
Semaine de quatre jours et congés menstruels
Comme on est gourmands chez Les Pandas Roux, on a demandé à Margaux et François si le CSE ne réfléchissait pas à d’autre avancées sociales en matière d’organisation du travail. Comme la semaine de quatre jours. On a bien dit semaine de quatre jours et pas semaine en quatre jours. Comme ce qu’ont mis en place les copains de Parlons Climat (que nous espérons interroger à ce sujet). Réponse de Margaux : « On a commencé à se pencher sur le sujet avec la direction mais ça demande plus de temps car ça implique de repenser l’organisation du travail, c’est plus lourd comme dispositif. » Et François de compléter : « On a déjà pas mal de télé-travail autorisé qui concerne tous les salarié·es. Et la direction est assez flexible sur le sujet. Si on a envie de télé-travailler une semaine accolée à une semaine de vacances par exemple, c’est possible. On a aussi mis en place la transparence des salaires dans le cadre d’un travail sur une grille des salaires… ». Sur les avancées sociales au travail, le dernier mot est à Margaux : « On a aussi mis en place, en début d’année, les congés menstruels. Les personnes qui ont des douleurs menstruelles disposent de 4 demi-journées par mois qu’elles peuvent poser le jour même auprès de leur manager. Là aussi, ça marche à la confiance. »
Autant de sujets détaillés dans l’échange riche que nous avons eu avec Margaux et François dans l’épisode 18 du Pandas Cast :
Alors, convaincu·es ? Voyager au ralenti (grâce au congé TTR), et si c’était ça le vrai voyage ?
Dernière question, pour le voyage, qu’on n’a pas posée mais qu’on vous livre : vu le coût des transports, est-ce qu’une prime « transports pas du tout compétitifs en termes de coûts par rapport au low cost aérien » ne serait pas la bienvenue ?
Et vous ? Quelles innovations sociales aimeriez-vous mettre en place dans votre structure ou, soyons fous, dans la cité ?
Objectifs de développement durable en lien :
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