Cuisine anti-gaspi et liens précieux : la magie des Héritiers de la Récup'

lespandasroux

27 févr.4 min de lecture

Au début de l'hiver, nous avons assisté à un atelier de cuisine anti-gaspi organisé par Les Héritiers de la Récup. Cette association favorise le partage de savoir-faire entre générations grâce à des ateliers (couture, cuisine, bricolage, jardinage...) où la récupération est au coeur des réalisations. On a découvert qu'avec ce qu'on a sous la main, des idées et un peu d'huile de coude, on peut vraiment bien manger. Et rire ! Reportage.

18h. Une quinzaine de personnes sont réunies autour de la table de la petite cuisine de la Maison de la Parole mise à disposition des Héritiers de la Récup' par le Diocèse de La Rochelle. Tous les âges et plusieurs cultures sont représentées. D'abord parce que c'est le principe de l'association de favoriser le partage de savoir-faire entre générations. Ensuite parce que nous sommes dans le quartier des Minimes à La Rochelle, au coeur de campus universitaire où des jeunes de près de 100 pays différents étudient chaque jour. On sent que quelque chose se prépare.

Sublimer les invendus

Sur la table, une forme d'abondance : miches de pain, aubergines, tomates, carottes, choux, potimarrons, endives, poivrons, oignons, ail, herbes aromatiques, kiwis, raisin, clémentines, kakis... D'ordinaire, ces fruits et légumes sont des invendus que des maraichers biologiques et locaux - D'hier et d'ici et Les Jardins de l'Aubreçay - mettent à disposition de l'association pour ne pas jeter. Ce soir, faute d'invendus, c'est la Banque alimentaire, partenaire régulier de l'asso, qui offre ses "restes".

"On pourrait faire une tarte Tatin avec les endives", propose Juliette, étudiante à l'école de commerce qui se trouve de l'autre côté de la rue. L'assemblée semble emballée. "Et avec les aubergines ?" demande Maëlle, co-fondatrice des Héritiers de la Récup'. "On peut faire une moussaka à l'Égyptienne", suggère Amed, étudiant à l'IUT, d'origine Égyptienne. Il est à peine 18h15, et presque tous les ingrédients ont trouvé recette à leur pied.

Quelques chiffres

En France en 2021, de la production jusqu'aux consommateur·ices, 63kg de nourriture comestible ont été gaspillés par habitant·e.

(Source : statistiques développement durable)

Selon une enquête IPSOS réalisée en 2023 en partenariat avec le Secours Populaire, un·e Français·e sur trois (32 %) n'était pas en capacité cette année de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour manger trois repas par jour.

On ne sait pas vous, mais ces deux informations nous laissent sans voix.

Partage et anti-gaspi

Les tâches se répartissent ensuite plutôt aisément entre bénévoles, venu·es partager leur savoir-faire et expérience en cuisine (et surtout papotter !) et étudiant·es. Des mini-brigades se forment et les premiers épluchage de carottes, émondage de poivrons et découpes de fruits se font dans un joyeux brouhaha. C'est ça l'esprit des Héritiers de la Récup' ! Puis d'autres idées fusent : "Avec le raisin, les tomates, les clémentines et les kakis, on pourrait faire des jus. Et avec la pulpe, des fruits et le pain, un pudding", s'enthousiasme Pierre, bénévole de l'asso qui a la double particularité de détester jeter et d'avoir pour livre de chevet des livres de cuisine : "C'est pas quand tu cuisines qu'il faut lire les livres de recettes, c'est le soir avant de s'endormir, comme ça tu imprègnes et quand tu cuisines, la créativité vient toute seule". C'est pas délirant...

Une ambiance quasi familiale

18h30, de l'autre côté de la cuisine exiguë, la pétillante et entreprenante doyenne du soir, Marie-Ange, entraîne sa brigade en virtuose, entre pédagogie, créativité et sens du spectacle : "Regardez-moi ça si c'est pas beau", nous adresse-t-elle à la cantonade en épluchant un poivron. "On les a mis au four et, comme ça, la peau qui est indigeste s'enlève plus facilement. C'est pas beau, c'est pas magnifique ?". Vrai ! Mais à quoi sont destinés ces poivrons ? "On va faire un risotto de quinoa avec, en ajoutant des carottes, des tomates, des oignons et du persil". Derrière, Gilles, étudiant à la fac de sciences, est en train de préparer le bouillon de légumes qui servira à cuire le quinoasotto... "Moi, j'ai appris la cuisine avec ma mère. Et je suis venu ce soir pour découvrir la gastronomie française et aussi pour partager un moment, rencontrer des gens". Durant l'heure et demi qui suit, ces saynètes vont se multiplier, ponctuées par les idées des uns et les blagues (ou confidences) des autres, dans une ambiance quasi familiale.

Les Héritiers de la Récup en quelques chiffres...

50 bénévoles

80 ateliers intergénérationnels réalisés

Plus de 1200 kg de matière récupérés

Plus de 700 personnes sensibilisées

La qualité des liens et des moments partagés ne se mesure pas, elle... Mais ils sont bien réels !

Buffet gargantuesque et joyeuse tablée

Bientôt 20h. Les derniers plats sont enfournés, le seau à compost est plein (bah oui, on recycle les biodéchets chez Les Héritiers de la Récup) et une équipe se forme pour aller dresser la table dans la salle voisine. Avant que les étudiantes et étudiants qui n'ont pas pu participer à l'atelier mais qui souhaitent profiter d'un repas chaud et offert n'arrivent. Ce soir, entre bénévoles et étudiantes, 21 convives prendront place autour de la grande tablée. Pour un repas gargantuesque mais sans chichi. 20h15, les derniers plats sont déposés sur le buffet autour duquel cuisinier·es et dernier·es arrivé·es sont réuni·es. Avant de lancer les réjouissances, Maëlle rappelle le concept aux dernièr·es venu·es et ponctue par un tour exhaustif des plats "... donc nous avons du potimarron au thym rôti au four, un risotto de quinoa aux légumes, des brushettas ail et tomates (idée de Pierre pour ne pas gâcher le pain), des bruschettas avec oignons caramélisés et béchamel, une tarte Tatin aux endives, un potage de légumes, une moussaka Égyptienne et en dessert, une compote raisin-kiwi-kaki, une salade de fruits, du pudding et Marie-Ange a réalisé une ganache au chocolat pour napper les restes de pâte brisée découpée à l'emporte-pièce"... Décidément, jusqu'au bout, rien ne se perd. Et si toutefois restes il y avait, les étudiant·es repartent avec. Allez, assez discuté, maintenant, à table !